Jean naît en 1605 de Charles de La Cropte de Chantérac, et d’Isabeau d’Auzaneau, mariés le 29 avril 1600. Il est le cadet de dix enfants. Son frère aîné, Louis-Joseph, marié en 1627, perpétuera le nom. Son frère François-Paul sera le père d’Uranie, née en 1656, qui épousera Louis-Thomas de Savoie. Trois de ses cinq sœurs entreront en religion.
Docteur en théologie, Jean est un temps prieur comandataire de St-Seurin de Pavaucelles, au diocèse de Périgueux, mais il est surtout archiprêtre de Chantérac dont l’église s’appelle St-Pierre-es-Liens, d’où le nom de “Monsieur de Saint-Pierre” qui lui était communément donné.
Les archiprêtrés étaient des divisions territoriales des diocèses. Le diocèse de Périgueux en comptait seize, dont celui de Chantérac qui regroupait une douzaine de paroisses alentour.
Le concile de Trente (1545-1563) vient de façonner la vie de l’Eglise catholique en précisant des points de doctrine et en rénovant l’organisation du culte pour 400 ans, jusqu’au concile Vatican II.
Ce concile avait aussi fixé de strictes règles de conduite au clergé et en particulier aux évêques, créé les grands séminaires pour améliorer la formation des prêtres et promu l’enseignement du catéchisme. Ce faisant, il apportait des réponses à beaucoup des questions soulevées par Luther et les autres fondateurs du protestantisme. Un mouvement de renouveau spirituel, la Réforme catholique, est mis en œuvre par de grands pasteurs parmi lesquels Charles Borromée, Philippe Néri et François de Sales sont les plus connus.
En France, c’est quarante ans après la clôture du concile, à l’aube du XVIIe siècle, que la Réforme catholique démarre véritablement. Les ruines matérielles, morales et spirituelles dues aux guerres de religion sont partout sensibles, surtout dans les campagnes où l’ignorance religieuse est immense.
Une armée de missionnaires « locaux » se lève et parcourt les campagnes et les villes. Ce sont des hommes animés d’un grand zèle. Ils appartiennent à d’anciens ordres religieux, mais surtout à de nouvelles compagnies de prêtres séculiers, souvent diocésaines, fondées pour la mission.
Saint Vincent de Paul, fondateur des Lazaristes, est le plus connu. Il écrivait le 1er juin 1657 : “Nous sommes dans un temps où les ecclésiastiques se lient pour former de nouvelles communautés et s’appliquer à de bonnes œuvres.”
Certains ont cherché à vérifier si Jean de Chantérac et Vincent de Paul ont été en relation. Cela ne semble pas être le cas.
C’est à partir de 1646 que Jean projette de fonder avec l’aide du chanoine Pierre Mèredieu la « Congrégation de la Mission de Périgueux », avec la double tâche d’évangéliser le peuple et de rétablir la discipline ecclésiastique.
Il laisse ainsi sa trace dans le mouvement de la Réforme catholique.
L’évêque de Périgueux, Philibert de Brandon, pasteur actif, lui confie l’encadrement du premier Grand Séminaire du diocèse fondé en 1650.
Jean se fait céder pour cela un ancien hôpital (l’hôpital de la Cueillie). Il y fait faire des travaux et des extensions. Il y installe la maison-mère de son œuvre, érigée par l’évêque en congrégation cléricale séculière le 29 avril 1651 :
« […] nous avons reçu les très humbles supplications de nos très chers et bien aimés Jean de La Cropte, Pierre Mèredieu, […], prêtres, tendant à ce qu’il nous plût de les unir par l’érection d’une congrégation d’ecclésiastiques qui, vacant à leur perfection et s’appliquant à toutes les fonctions propres aux clercs, eussent pour fin particulière d’être dans notre seule dépendance et de nos successeurs évêques, de s’appliquer au service spirituel des ecclésiastiques, de travailler avec zèle au rétablissement de la religion et du respect envers Dieu et les choses saintes, de servir le prochain, principalement aux œuvres délaissées, par un soin spécial, de procurer l’instruction, le salut et la sainteté des pauvres, des enfants et du bas peuple, aux champs et à la ville, par catéchismes, missions, conférences, et autres fonctions du ministère. […]
« Nous […] érigeons, établissons et approuvons par ces présentes l’assemblée des susdits prêtres en corps d’Institut et congrégation perpétuelle d’ecclésiastiques qui nous seront entièrement soumis pour s’appliquer aux susdites fonctions. »
source : Etude de Félix Contassot, Grand Séminaire de Périgueux, 2°édition, 1951 ; Article paru dans la Revue du XVII° siècle, 1961, N° 53, p21-41 sous la signature de Mgr Robert Bézac, évêque de Périgueux de 1963 à 1978 ; Bulletin de la société archéologique du Périgord 1973, p 15-29.
Il fallait aussi l’approbation royale pour obtenir tous les effets civils et les privilèges accordés aux instituts ecclésiastiques. En mai 1651, Louis XIV qui n’a pas encore 13 ans et est encore pour quelques mois sous la régence de sa mère Anne d’Autriche, lui délivre les lettres patentes :
« Nos chers et bien aimés Jean de La Cropte, […], prêtres, nous ont très humblement fait remontrer que dès l’année mil six cent quarante-six, ledit de La Cropte ayant eu dessein de procurer l’établissement en notre ville de Périgueux d’une congrégation d’ecclésiastiques pour rechercher la perfection de cette vocation, et s’appliquer aux exercices convenables à leur profession, à l’édification et instruction du public particulièrement du menu peuple, des enfants et des pauvres, tant à la ville qu’aux champs, par catéchismes, missions, conférences et autres fonctions du ministère, […]
Nous avons par ces présentes, signées de notre main, permis, accordé et octroyé, permettons, accordons et octroyons l’érection et établissement de ladite congrégation d’ecclésiastiques en notre ville de Périgueux, » [ibid.]
L’œuvre primordiale de la Mission était la restauration de la religion et des mœurs par des séjours d’un ou plusieurs missionnaires auprès de populations rurales particulièrement abandonnées au point de vue religieux, avec l’objectif de faire pratiquer des « exercices » qui rythmeraient ensuite leur vie quotidienne. Les missionnaires étaient financièrement pris en charge par les paroisses visitées, et celles-ci, aux ressources souvent modestes, étaient aidées par des fondations établies par de généreux donateurs.
Prédication et enseignement du catéchisme pour affermir la foi catholique, préparation aux sacrements, en particulier à la confession et à la communion, rappel des exigences morales chrétiennes constituaient l’essentiel de ces missions qui duraient en général trois ou quatre semaines.
Jean se donne entièrement à la fondation dont il est le supérieur : « Une fois qu’on s’est donné, il ne faut pas se reprendre ».
Sous sa signature de « prêtre missionnaire », il est un formateur d’âmes : celles des chrétiens dont il a pitié de la misère spirituelle ; celles de ses collaborateurs de la Mission ; celles des séminaristes du diocèse ; celles des Ursulines et des Visitandines de Périgueux, dont il est le confesseur et le directeur spirituel.
Il laisse le souvenir d’un prêtre aux exhortations vigoureuses contre les injustices et les cupidités en des termes qu’il serait facile d’adapter à l’époque actuelle :
« Mes très chers petits frères, et encore plus chers enfants, ne prenez pas conseil du monde, je vous prie, ne vous amusez pas à ses faux discours et à ses mortelles maximes… Hélas ! Qu’on souffre mille fois plus pour le monde et l’enfer au bout. En vérité, mes enfants, nous ne voyons que malheurs, que divisions, que querelles entre les pères et les enfants, les femmes et les maris, les frères et les parents, que pauvres veuves misérables, que pauvres mangés et persécutés par les riches, par les seigneurs, par la justice, par les sergents, les fusiliers, les tailles, les rentes, les commissions, les procès ; que faussetés, que fourbes, que meurtres et rapines entre les riches et les paysans, qui se mangent, se déchirent d’inimitiés immortelles, que blasphèmes, qu’impuretés, que larcins et tromperies en tous états de marchands, d’artisans, de paysans, de gens de justice, etc.’’
Il insiste aussi avec réalisme sur la pureté, le devoir du bon exemple, la nécessité du renoncement, la pratique de l’indifférence chrétienne face aux aléas de la vie temporelle et le bon emploi de son temps.
Ses effusions dénotent une nature très sensible et son sentiment de paternité spirituelle à l’égard des enfants qui sont confiés à la congrégation.
Un garçon l’ayant quitté pour rentrer dans sa famille, à Montignac, il entretient avec lui une correspondance suivie pour le maintenir dans le droit chemin. Il lui écrit :
« Mon très cher enfant, que je porte toujours dans le cœur. D’autre affaire, je ne me soucie guère, c’est mon petit N … que je désire, que j’aime, que je cherche ; c’est cette chère âme avec laquelle je veux avoir une amitié éternelle dans le ciel. Mais, mon fils, mon cher fils, pourquoi fuis-tu, dit-on, ton père ; pourquoi te caches-tu de lui ?’’
L’église du village de Chantérac [[i]] dont Jean fut l’archiprêtre a conservé un tableau offert par lui en 1645, qui a été classé à l’inventaire des monuments historiques en 1983.
Ce grand tableau de 2m30 de haut représente une Vierge à l’enfant, entre saint Dominique et sainte Catherine de Sienne. La vierge tient de la main gauche l’Enfant Jésus debout à côté d’elle ; de la main droite elle présente le rosaire au donateur qui est identifié par une inscription : « I.DE LA CROPTE DICAVIT STE JOANNI LIBERATORI SUO 1645 » c’est-à-dire : « dédié par Jean de La Cropte à son saint patron Jean en 1645 »
Ce tableau est appelé le tableau du vœu car il fut offert à l’occasion de la création d’un pèlerinage annuel de la paroisse de Chantérac à Notre Dame de Sanhillac (à environ 25km) dont la tradition est longtemps restée vivante.
La procession eut encore lieu jusqu’aux années 1950. En tête se trouvait le tableau suivi du curé et des enfants de chœur portant bénitier et croix de procession et de la foule des fidèles. Mais la procession ne faisait plus que le tour du bourg.
Pour une description complète de l’église, voir le site de la commune www.chanterac.fr