Audoin, fils d’Hypolite

Audoin, seul fils d’Hypolite, est élevé par sa grand-mère Bonaventure-Marguerite, « Femme d’une culture d’esprit remarquable, douée de hautes vertus qu’avait encore affinées l’épreuve de la Révolution, [elle] s’attacha à inspirer à son petit-fils l’amour de son pays et le goût de l’étude, à lui donner des mœurs simples et à graver dans son cœur cette conviction qu’un homme, quelles que soient sa naissance et sa fortune, ne vaut que par lui-même ».

Elle développe en lui l’amour du pays et celui de l’étude qu’on imagine à travers la devise de son ex-libris “jamais AC d’études”, jouant avec ses initiales A.C.

Externe au collège de Périgueux de 1824 à 1828, Audoin y recueille, de la troisième à la classe de philosophie, les prix d’excellence en latin, en grec, en philosophie et en histoire de France. Certaines de ses œuvres de jeunesse sont même imprimées.
« Carmina, la jeune négresse vendue par sa mère » [en latin], Recueil de différentes pièces qui ont mérité une distinction particulière dans les cours de philosophie et de rhétorique au collège de Périgueux, Périgueux, 1827, p. 17-20 ; « Réfutation du système de la sympathie », Recueil de différentes pièces qui ont mérité une distinction particulière dans /es cours de philosophie et de rhétorique au collège de Périgueux, Périgueux, 1828, pp. 28-32.

En 1829, il rejoint sa mère à Paris et entre à l’Ecole des pages du roi. Cette institution étant dissoute l’année suivante, il entreprend des études juridiques et devient bachelier en droit en août 1832. Il se présente à son premier examen de licence en avril 1833 à l’âge de 21 ans.

Sa mère ayant été nommée « dame pour accompagner » la reine Marie-Amélie, Audoin est bien introduit à la cour et vit dans l’intimité des fils du couple royal dont il est le contemporain.

Admis au conseil d’Etat en qualité d’auditeur de seconde classe grâce à la protection de Marie-Amélie, il prête serment le 19 novembre 1834 et est attaché au comité de la guerre et de la marine où « il [montre] autant de zèle et d’assiduité que de sagacité, d’intelligence et de précision dans les rapports dont il [est] chargé » .

Auditeur de première classe le 14 juin 1837, il est nommé à sa demande, d’abord en 1841à la sous-préfecture de Murat (Cantal) puis en 1842 à celle de Segré (Maine et Loire). Mais il abandonne cette carrière préfectorale pour rester près de sa mère à Paris après la mort de sa sœur Louise en janvier 1843.

Il est alors nommé maître des requêtes au Conseil d’Etat en service extraordinaire en mars 1843, sur proposition de Louis-Philippe, En décembre, il intègre une commission chargée par le ministère de l’Intérieur d’examiner les changements à introduire dans la « législation sur l’administration des biens communaux, sur les gardes champêtres, sur la vaine pâture et sur tous autres objets d’intérêt communal ».

En avril 1847, il est proposé par Guizot pour la Légion d’honneur. La révolution de février 1848 interrompt brutalement sa carrière, il est révoqué et ne reviendra plus à la vie publique.

Il décide alors de consacrer son temps à l’histoire. Deux de ses amis chartistes le parraineront en 1856 au sein de l’association de l’histoire de France qu’il présidera en 1877-1878 et dont il restera membre jusqu’à sa mort.

Sources :
Article de Jean-François Delmas (BA3A), publié au bulletin de la S.H.A.P. en 2002
Discours de M. de Kermaingant, président de la Société de l’Histoire de France, Annuaire-Bulletin de la société 1904, p, 83-84.
Antonetti (Guy), Louis-Philippe, Paris, 1994, p, 942.
Arch. nat. F BB30 739, ministère de la Justice, dossier personnel du marquis de Chantérac.
Les préfets du Maine et Loire ; PUF, IBSN électronique 97827525566      Bulletin de la société historique et archéologique du Périgord (B.S.H.A.P.) 1877 p. 7, 1904 p. 230, Rouméjoux II p. 87.

En 1851, Audoin épouse Julie de Bassompierre.
L
’alliance entre le fils d’Hypolite connu pour son intimité avec les Orléans et la dernière descendante de la très légitimiste famille de Bassompierre étonna, dit elle-même Julie dans ses Souvenirs :

Ascendance de Julie de Bassompierre

 « Je puis dire que mon mariage causa une étrange surprise autour de moi. On le considéra comme un acte d’indépendance et, sans y trouver rien à blâmer, on sentit que ma résolution avait été basée sur des appréciations absolument personnelles. Il en était ainsi en effet. »

« Mes parents et mes amis avaient rêvé pour moi des alliances éclatantes et je leur prouvai que j’entendais faire mon choix. Ma famille avait vécu dans la plus haute aristocratie qui était sa sphère naturelle. Elle en avait aussi les idées politiques qui n’avaient subi aucune modification par le cours du temps et des événements. Ayant beaucoup lu, car j’avais refait mon éducation par des années d’études, je trouvais ce cercle d’idées étroit. Dénuée de toute ambition, ayant pleuré l’extinction de mon nom qui coïncidait avec la fin de la monarchie séculaire, je voulais vivre en dehors de toute coterie, sans pourtant abdiquer ni surtout renier le glorieux passé de tous les miens.

Cet ordre d’idée me rendit acceptable la pensée de m’unir à une famille qui avait l’ancienneté de race, les alliances que je n’aurais jamais sacrifiées, mais qui avait eu des liens avec la branche cadette des Bourbons. Ceci surprit beaucoup dans le cercle de nos vieilles intimités. Cependant, en 1851, année de mon mariage, les deux maisons royales étaient également vaincues et en exil. Tous les liens n’étaient donc plus que des souvenirs et l’âge de ma future belle-mère me donnait l’assurance, autant que l’état politique de la France, que si la monarchie de Juillet était un jour restaurée, [elle] ne retournerait jamais aux Tuileries. Il fut convenu qu’on ne me demanderait aucune adhésion de ce côté. En effet, je n’acceptai même pas de porter les deuils de cette cour et je ne formai pas de liens avec les personnes que voyait ma belle-mère et qui conservaient des attaches à la maison d’Orléans.

« M. de Chantérac avait été l’un des derniers pages du roi Charles X. A la mort de ce monarque exilé, la cour de Louis-Philippe, encore solidaire de toutes les passions révolutionnaires, ne porta pas le deuil du roi. M, de Chantérac, bien jeune encore, et dont la mère était dame d’honneur de la reine Marie-Amélie, eut le noble courage et la haute convenance de porter seul aux Tuileries, le deuil du prince qu’il avait servi. Ce fait fut très remarqué, et on me le signala justement comme une marque de valeur morale. On remarqua aussi son courage et sa ferme douceur au moment où sa mère qui habitait le Palais-Royal, dut se sauver en 1848, et abandonner au pillage tout ce qu’elle possédait.

« Je savais aussi [qu’il] avait laissé partout la trace de son intelligence et de son caractère élevé. Il n’aimait pas les fonctions administratives ; ses goûts d’études littéraires et historiques et sa vie intime près de sa mère suffisaient à son ambition. Je le trouvai timide, silencieux et d’apparence très froide. Mon amour-propre en souffrit car, M. de Chantérac se tenant excessivement à l’écart, nos amis ne pouvaient pas constater la valeur des rares qualités qu’il tenait cachées au monde pour les donner toutes dans la famille.

Source :   Souvenirs de la marquise de Chantérac, document manuscrit, pp, 61-63. Rédigés durant l’hiver 1889-1890.

Julie hérite en 1862 de l’hôtel particulier que son grand-père le marquis de Villeneuve-Vence avait lui-même reçu suite à des partages familiaux.

Cet hôtel particulier situé 17 rue de Bellechasse dont les pièces de réception donnaient sur la rue avait été construit en 1768. Il était surtout un immeuble de rapport. Julie et Audoin, comme avant eux les parents de Julie, louaient l’étage noble ainsi qu’une partie des remises et des écuries et se réservaient l’usage du second étage mansardé. En 1862 il n’y avait pas moins de six locataires.
L’hôtel est vendu en 1891 pour effectuer les partages entre les enfants. Il sera le premier siège du Lyceum Club international, club d’origine britannique réunissant des femmes ayant des intérêts intellectuels et artistiques communs.

Mais leur résidence principale est le château de Cires-lès-Mello, également propriété Bassompierre, où Julie est née. Audoin fait redessiner un parc agrémenté d’une fontaine et de petits ruisseaux par Denis et Eugène Bühler, architectes-paysagers en vogue appréciés notamment par le duc d’Aumale, dernier fils de Louis-Philippe, de dix ans plus jeune que lui, qu’il a bien connu lorsque sa mère était au service de la maison d’Orléans

Le château se transmettra en ligne directe jusqu’à leur arrière-petit-fils Hugues-Audoën qui le vendra dans les années 1980. On avait fait construire un tennis dans le parc à côté de la fontaine, sans doute dans les années 1900. Un lotissement a remplacé aujourd’hui le château. Les rues qui le desservent portent les noms de rue de Chantérac et d’allée de Bassompierre. La petite fontaine du parc est paraît-il restée à sa place.

Audoin et Julie reposent au cimetière de Cires-lès-Mello. Leur fils François y a fait construire un second caveau à la mort de son fils aîné décédé à l’âge de six ans. Il y repose aujourd’hui avec sa femme, leurs deux autres fils décédés à la naissance qu’ils ont tous les deux prénommés Marie-Joseph, leur fils Bertrand avec ses deux épouses et leurs deux petits-enfants Madeleine et Hugues-Audoën.

Source : Thèse de Jean-François Delmas à l’école nationale des chartres, 20 mars 1997, publié au bulletin municipal de la ville de Paris le 24.11.2000

Descendance

Marie Joseph Audoin de La Cropte marquis de Chantérac né au Mas de Montet (Petit-Bersac, Dordogne) le 18.12.1812, décédé au château de Cires-lès-Mello, petite commune de l’Oise, près de Creil, le 20.02.1904,
avait épousé à Paris 10° les 03 & 04.02.1851 Marie Chantal Claire Julie Placidie de BASSOMPIERRE née à Paris (10° anc.) le 03.09.1823, décédée au château de Cires-lès-Mello le 20.07.1900, fille de Charles Jean Stanislas François marquis de Bassompierre, dernier du nom, et de Claire Jeanne Roselyne Chantal de Villeneuve-Vence.
Ils ont eu cinq enfants :

François, 1852-1923

Henriette, 1854, 1882

Jean, 1856-1908

Claire, 1859-1929

Louise, 1863-1923