Le 14ème siècle est celui de la guerre de cent ans (1337-1453) qui aura notamment la Dordogne pour terrain d’affrontement.
Elle est une lointaine conséquence de l’annulation du mariage de Louis VII et Aliénor au retour de la seconde croisade : En 1152 l’Eglise a prononcé la dissolution du mariage. Aliénor reprend la Guyenne, la Gascogne, le Poitou, le Limousin, l’Angoumois, la Saintonge et le Périgord qu’elle avait apportés dans sa dot, et épouse Henri II Plantagenêt.
Deux ans plus tard, lui qui n’était que Duc d’Anjou est devenu roi d’Angleterre. Ces provinces sont devenues terres anglaises.
La souveraineté sur l’ouest de la France, de l’Aquitaine à la Flandre, ne pouvait que devenir source de conflits et d’intrigues entre Capétiens et Plantagenets.
Les rois de France procèdent à des annexions territoriales successives.
Si bien qu’en 1330 les Plantagenets ne possèdent plus que Calais et la Guyenne, c’est-à-dire une Aquitaine diminuée et réduite à la côte gasconne et à Bordeaux.
La souveraineté sur la Guyenne fait l’objet d’un conflit larvé pendant plusieurs générations. D’une part, la Guyenne joue un rôle important dans l’économie anglaise. D’autre part le Roi d’Angleterre doit reconnaître au Roi de France la souveraineté supérieure sur ce territoire et s’y considérer comme vassal. Dans la pratique, un jugement rendu en Guyenne peut être soumis à un appel devant la cour de Paris et non pas à Londres. Le roi de France a donc le pouvoir de révoquer toutes les décisions juridiques prises par le roi d’Angleterre en Aquitaine, ce qui est bien sûr totalement inacceptable pour les Anglais.
La guerre éclate en 1337 sur fond de crise démographique, économique et sociale générale en Europe, avec comme détonateurs les autres sujets de tension entre les deux dynasties au sujet des Flandres, de l’Écosse, et de la succession à la couronne de France que revendique Edouard III d’Angleterre en tant que descendant de Philippe IV Le Bel par sa mère Isabelle de France.
La rivière Dordogne est donc à cette époque la frontière entre la France et l’Angleterre. Les familles nobles de Dordogne ne peuvent éviter de choisir un parti.
Le nobiliaire de Saint-Allais rapporte l’implication des seigneurs de La Cropte :
- « Sans doute Fortanier de La Cropte est-il resté fidèle à son souverain légitime soit à raison de ses principes, soit à cause de son alliance avec les Beynac qui étaient du parti français.
- « Son fils, Pierre de La Cropte IIème du nom (≈ 1350) tenait pour les Anglais ; on voit en effet, dans les actes de Rymer (tom. 3, part. 2, pag.113), un mandement d’Edouard III, roi d’Angleterre, du 1er Juillet 1366, pour payer au seigneur de Caupène ou à Pierre de La Cropte, son procureur fondé, la somme de cent livres pour la rançon du comte de Tancarville.
C’est sans doute la raison pour laquelle, toujours selon Saint-Allais son père l’aurait défavorisé dans son testament.
« Aux générations suivantes, les La Cropte reprennent le parti du roi de France :
- Bertrand, le fils de Pierre, évêque de Sarlat : (≈ 1420), signale son épiscopat par un grand dévouement au Roi. Il est l’un des plus puissants promoteurs de la ligue qui se forma alors contre les Anglais en Guyenne et qui prépara la conquête de cette province.
- Jean, frère de l’évêque, Ier du nom de Lençais : (≈ 1420), tenait en 1417, en garde du duc d’Orléans, le château d’Auberoche où il entretenait douze gentilshommes.
Il était capitaine à la Roque-Gayac, sur la rive Nord de la Dordogne, aujourd’hui La Roque-Gageac, classé comme l’un des plus beaux villages de France.
C’était alors « une petite ville bien close et très forte, dépendant de la temporalité de l’évêché de Sarlat, qui ne fut jamais prise par les Anglais et fut toujours de bonne intelligence avec Sarlat.
« En juillet 1426, les Anglais surprennent Saint-Quentin ; mais incontinent, Jean de La Cropte, accompagné des habitants de la Roque-Gayac, où il était capitaine et de soldats pris à Sarlat en passant, les alla attaquer et, avant qu’ils se fussent fortifiés, leur fit quitter la place ».
- « Jean de La Cropte de Lençais IIIème du nom (≈ 1440) n’avait que 16 ans lorsqu’il fut contraint, pour sauver ses héritages, de se soumettre à la domination des Anglais et de passer quelques années sous leur obéissance. Cette défection doit se rapporter à l’année 1440 ou environ, époque à laquelle les Anglais occupaient encore une grande partie du Périgord ; ils jugèrent sans doute utile à leurs intérêts de se l’attacher par des grâces et des bienfaits ; car suivant un acte conservé autrefois à la chambre des comptes de Paris, le lieutenant-général du Roi d’Angleterre lui fit donation du fort et des murailles de Couse, près de la Dordogne. Ce ne fut qu’en 1461 qu’il se détacha de leur parti et revint à son souverain légitime : Le Roi lui pardonna et le rétablit en ses droits.
- « François de La Cropte de Lençais, son fils, (≈ 1450)] se joignit au ban et arrière-ban ([1]) des Bordelais, dont il eut le commandement ; et ayant rassemblé ses vassaux, ses tenanciers et un certain nombre de gens de condition, il aida à chasser les Anglais de la Guyenne. Il mérita la bienveillance de son Roi, et procura à ses vassaux la confirmation des privilèges et immunités, qui leur avaient été ci-devant accordés.
([1]) Lorsqu’un seigneur faisait crier le ‘ban’ (pris dans son ancien sens de ‘proclamation’) pour enjoindre à tous les nobles qui lui devaient obéissance de prendre les armes et de se regrouper avec lui, il convoquait alors le ‘ban’, c’est-à-dire les vassaux directs, et l ‘arrière-ban’ (les vassaux des vassaux).
Le village de Chantérac, avec son église fortifiée dont la nef date du 12ème siècle n’est pas épargné.
En témoigne cet acte d’absolution délivré par l’évêque de Périgueux, Jean de Verneuilh, à Jean de Chabans pour le sang versé en l’église de Chantérac lors de sa reprise aux Anglais en 1428.
(Le texte original est en latin)
Hélie de Soffron, chanoine et official de Périgueux, vicaire général au spirituel et au temporel du révérend père en Christ Bérenger, par la miséricorde divine évêque de Périgueux, aux commandants d’Agonac, de Pressac près le château épiscopal et à tous les autres chefs ci-après nommés ou qui combattent au loin pour nous en notre Seigneur.
Nous avons reçu une humble supplique de nos amis Jean de Chabans, Hélie Bossac, [etc], nous exposant qu’il y a peu de jours ils ont repris par la force sur les Anglais, ces anciens ennemis de notre seigneur le Roi des Français, l’église de Chantérac et rétabli cette même église dans l’obédience dudit seigneur Roi des Français, dans laquelle église et avant sa reprise , il se commettait beaucoup de méfaits, comme dans une caverne de voleurs ; l’ennemi en sortait pour faire des excursions, pendant lesquelles il commettait force crimes, excès et homicides ; il en faisait aussi une prison publique. A l’occasion de la reprise de la dite église, il y eut une grande effusion de sang, rendue nécessaire par la nécessité de se défendre ; Aussi les suppliants craignent-ils d’avoir encouru la condamnation des canons ; c’est pourquoi ils nous ont humblement supplié de leur accorder l’absolution de notre grâce spéciale.
C’est pourquoi, considérant que la reprise de l’église a été faite pour son bien particulier et celui de l’Etat, nous mandons à tous et à chacun de vous qu’ils soient absous et vous remettons nos pouvoirs.
Donné le seizième jour de juin, l’an du Seigneur M.CCCC.XXVIII.
Par ordre dudit seigneur vicaire et official,
C’est l’année suivante, en 1429, que commence l’épopée de Jeanne d’Arc, et c’est en Dordogne qu’on localise la fin de la guerre de Cent Ans, avec la bataille de Castillon en 1453 où l’artillerie française appuyée de la cavalerie bretonne écrase l’armée anglaise menée par Talbot qui y trouve lui-même la mort avec son fils.